Alors d'abord, il m'est d'avis que fixer son jugement sur la saison 1 de Mad Men est quelque chose d'un peu 'biaisé', dans la mesure où moi-même je reconnaîtrais que Mad Men décolle vraiment avec ses saisons 3 et 4 (comme d'ailleurs The Wire selon mon humble opinion). D'ailleurs, tout ceux qui ont commencé Mad Men 'sur mes conseils' me demandaient s'il allait se passer quelque chose rapidement (et je leur répondais la même sentence implacable : "Patience.")
Ensuite, je rejoins quasiment tout ce que tu dis sur The Wire (à part le fait que je suis plutôt sceptique concernant l'argument de compter les scènes, les épisodes de The Wire étant d'une part beaucoup plus longs, et la série étant d'autre part bien moins contemplative que Mad Men. Ce n'est pas le nombre de scènes et la fréquence de distinction entre "scène importante/scène anecdotique" qui fait l'intérêt et la qualité du scénario : cf. Breaking Bad).
Je rappelle d'abord que The Wire est ma série préférée, devant Mad Men, donc je vais tenter de la défendre objectivement, les critiques se portant plus facilement, j'ai l'impression, sur New-York que sur Baltimore. Je trouve que dans Mad Men, le côté 'histoire dans l'Histoire', en plus de nous offrir un cliché des années 50-60 (pour l'instant) à la fois précis et circonstancié mais aussi suffisamment large pour ne pas ralentir le scénario, permet une analyse psychologique des personnages beaucoup plus poussée que dans The Wire.
Exemple : à part Stringer Bell, Omar et peut-être dans un sens Marlo, l'évolution psychologique du cast de The Wire ne m'a pas marqué plus que ça (McNulty, Bunk, Freamon, Snoop, Chris, Bodie sont tous et en tout point géniaux, mais au final, ils ont la même facette du début à la fin, il me semble).
Le réalisme de The Wire est impressionnant et encore inégalé (on est tous d'accord), avec tous ces spectres d'analyse tous subtilement décrits et merveilleusement dépeints, et regorge d'autres qualités qui pourraient me faire parler des heures durant. MAIS ce manque d'approfondissement des personnages en lieu et place du développement de l'histoire (ou des histoires, toutes longues et complexes) ne m'a pas plus dérangé que ça, le charisme de toutes ces figures emblématiques de la ville étant assez débordant pour pallier ce manque. Au final, la série doit se passer sur à peine 4-5 ans je pense, peut-être un tout petit peu plus. C'est sans doute trop peu pour faire évoluer les personnages et c'est rétrospectivement un choix assumé je suppose (d'où leur espérance de vie à l'écran assez courte au final (qu'ils meurent ou qu'ils sortent parfois de pans entiers de saison) pour éviter la redondance, notamment du côté des personnages les plus intéressants pour ma part, que sont caïds/dealers etc.). C'est un anti-manichéisme sublime mais avec des marges d'évolution volontairement réduites sur cinq saisons.
(C'est au final très rare les séries qui allient psychologie des personnages et excellent scénario. Maintenant que j'en parle, je dirais que seuls Breaking Bad et The Sopranos ont réussi ce coup-là, sur plusieurs saisons)
Revenons à l'analyse.
Depuis le début de Mad Men, le cast n'a pas du tout bougé, ou très peu. Certes, il n'y a pas de grande histoire qui relie tous les personnages, à part la survie d'une agence, la recherche de nouveaux clients ou un divorce ou le combat d'une femme dans un milieu d'hommes. Je comprends aisément qu'on puisse ressentir une lassitude ou une absence de scénario. Mais les Draper, Olson, Campbell etc. sont passés par 100 000 états d'âme, introspections, doutes, peurs etc. C'est vraiment ça qui m'impressionne, en plus de la finesse d'écriture des personnages, du jeu d'acteurs et de la réflexion plus large sur la place des femmes, leur émancipation, la société de consommation etc.
Je ne peux donc que t'encourager à insister. Comme je l'ai dit, je me revois la saison 4 actuellement (qui est pourtant la saison compulsivement centrée sur Don Draper - d'ailleurs la première phrase du premier épisode => 'Who is Don Draper ?' "T'inquiète Coco, on va y répondre en 13 épisodes" ) et je suis à nouveau subjugué, pour ne pas dire sur le cul. J'espère que tu iras au moins jusqu'à épisode 7 de la saison 4, que tu ne te seras pas arrêté avant cela. Si après cet épisode, tu n'es pas convaincu, je pense qu'en effet, il ne faudra pas continuer.
Au plaisir de lire ta réaction